Mireille Havet | Journal 1924-1927
C’était l’enfer et ses flammes et ses entailles.
Mireille Havet (1898-1932), la «petite poyétesse» d’Apollinaire, jusque-là sûre de l’originalité ravageuse de son talent littéraire, de sa personnalité et de ses amours, rencontre une femme qui ne lui ressemble vraiment pas, Reine Bénard : ce nouveau tome de son Journal des années 1924-1927 — qui prend la suite des tomes 1918-1919 et 1919-1924 (éd. Cl. Paulhan, 2003 et 2005) —, est entièrement dédié à la description de la courbe de cet amour qui fut tendre et libre, avant de devenir infernal et de précipiter Mireille Havet dans les affres de l’échec et les délires de la drogue.
[ Extrait ] 31 octobre 1925
«J’ai 27 ans. Je ne travaille pas. J’aime de toute mon âme un être qui ne songe qu’à faciliter mon bonheur, qui est admirable de patience et de réconfort. Je ne souffre d’aucun malheur récent. J’ai moins de soucis que je n’en ai jamais eus, et, vraiment indigne de tant de privilèges, je suis là, incapable de réagir contre la fatigue de mon corps et une dépression telle que je ne trouve d’apaisement que la nuit, réfugiée sur mon divan, comme une loque, un pantin vidé. La moindre invitation me devient une torture, chaque détail de la vie une catastrophe. Je suis agressive, exigeante, illogique, capricieuse, inintéressante au possible. J’ai honte de moi et je me plains, accusant ceux qui essaient de me raisonner de ne pas me comprendre. Je pleure, je me traîne, j’ai peur de mourir et ne fais rien pour changer mon état. Rien ne m’excuse. Je ne mérite rien. Je ne m’appartiens pas.»
[ Extrait ] 19 - 20 janvier 1927
«Mon vice n’est donc point tant l’amour, ni la recherche du plaisir le plus bas physiquement, puisqu’au fond, je fais surtout l’amour pour gagner ma vie et obtenir de mes maîtresses les rentes nécessaires à mes appétits et à mon égoïsme, mais en tout premier lieu et avant tout, les toxiques, et en particulier la morphine, dans l’ivresse supposée de laquelle je vautre mon âme calculatrice et mon corps amoureux de léthargies artificielles qui permettent d’oublier les déconvenues de ma carrière illicite mais très répandue à Paris.
[…] Mes livres et mes poèmes ? Constructions d’intoxiquée au cerveau surchauffé par les stupéfiants et l’idée fixe de camoufler ma véritable identité d’une livrée et d’une auréole de poète prodige et ignorant, par excès de pureté et d’insouciance intellectuelle, des réalités matérielles de la vie.
[…] Enfin, suis un agent de destruction, de scandale, de pourriture contagieuse, de désordre dans les couples et familles, et sournoise instigatrice de toutes les intoxications des femmes qui m’ont approchée et furent prises à mes pièges. Enfin, ayant sans doute dépassé les limites de la tolérance humaine et de la patience de mes amis par trop exploités, en prolongeant par trop la comédie du désespoir au sujet de Reine et de son abandon, bien légitime quand on me connaît, je mérite enfin, abondamment, le malheur qui paraît depuis trois mois m’accabler, et mes successifs échecs dont je suis l’unique auteur et seule responsable, et il est temps de m’infliger une leçon et de ne plus m’aider à cacher mes vices.
Il est temps de m’accuser.
La punition qui n’est que justice consiste à m’abandonner définitivement, à me laisser dans mon inévitable désert et dans ma pauvreté due à ma paresse et à mon arrogance.
Que je m’arrange.
On est prévenu, et que prudemment les portes et les coeurs se ferment devant ma duplicité et mes demandes. Personne ne me doit rien, et en voilà assez.
J’ai 28 ans.»
Précisions
Édition établie par Pierre Plateau, préfacée par Laure Murat et annotée par Dominique Tiry, avec la collaboration de Roland Aeschimann, Claire Paulhan et Pierre Plateau. Hors-Texte n. & bl. (16 pages, env. 40 illustrations, photographies, fac-similés, cartes postales d’époque) + quelques illustrations in-texte.
Format : 21,5 x 13 cm. 448 pages
ISBN : 978-2-912222-28-2
Tirage : 2000 exemplaires
Prix de vente public : 36 €
C’était l’enfer et ses flammes et ses entailles.
Mireille Havet (1898-1932), la «petite poyétesse» d’Apollinaire, jusque-là sûre de l’originalité ravageuse de son talent littéraire, de sa personnalité et de ses amours, rencontre une femme qui ne lui ressemble vraiment pas, Reine Bénard : ce nouveau tome de son Journal des années 1924-1927 — qui prend la suite des tomes 1918-1919 et 1919-1924 (éd. Cl. Paulhan, 2003 et 2005) —, est entièrement dédié à la description de la courbe de cet amour qui fut tendre et libre, avant de devenir infernal et de précipiter Mireille Havet dans les affres de l’échec et les délires de la drogue.
[ Extrait ] 31 octobre 1925
«J’ai 27 ans. Je ne travaille pas. J’aime de toute mon âme un être qui ne songe qu’à faciliter mon bonheur, qui est admirable de patience et de réconfort. Je ne souffre d’aucun malheur récent. J’ai moins de soucis que je n’en ai jamais eus, et, vraiment indigne de tant de privilèges, je suis là, incapable de réagir contre la fatigue de mon corps et une dépression telle que je ne trouve d’apaisement que la nuit, réfugiée sur mon divan, comme une loque, un pantin vidé. La moindre invitation me devient une torture, chaque détail de la vie une catastrophe. Je suis agressive, exigeante, illogique, capricieuse, inintéressante au possible. J’ai honte de moi et je me plains, accusant ceux qui essaient de me raisonner de ne pas me comprendre. Je pleure, je me traîne, j’ai peur de mourir et ne fais rien pour changer mon état. Rien ne m’excuse. Je ne mérite rien. Je ne m’appartiens pas.»
[ Extrait ] 19 - 20 janvier 1927
«Mon vice n’est donc point tant l’amour, ni la recherche du plaisir le plus bas physiquement, puisqu’au fond, je fais surtout l’amour pour gagner ma vie et obtenir de mes maîtresses les rentes nécessaires à mes appétits et à mon égoïsme, mais en tout premier lieu et avant tout, les toxiques, et en particulier la morphine, dans l’ivresse supposée de laquelle je vautre mon âme calculatrice et mon corps amoureux de léthargies artificielles qui permettent d’oublier les déconvenues de ma carrière illicite mais très répandue à Paris.
[…] Mes livres et mes poèmes ? Constructions d’intoxiquée au cerveau surchauffé par les stupéfiants et l’idée fixe de camoufler ma véritable identité d’une livrée et d’une auréole de poète prodige et ignorant, par excès de pureté et d’insouciance intellectuelle, des réalités matérielles de la vie.
[…] Enfin, suis un agent de destruction, de scandale, de pourriture contagieuse, de désordre dans les couples et familles, et sournoise instigatrice de toutes les intoxications des femmes qui m’ont approchée et furent prises à mes pièges. Enfin, ayant sans doute dépassé les limites de la tolérance humaine et de la patience de mes amis par trop exploités, en prolongeant par trop la comédie du désespoir au sujet de Reine et de son abandon, bien légitime quand on me connaît, je mérite enfin, abondamment, le malheur qui paraît depuis trois mois m’accabler, et mes successifs échecs dont je suis l’unique auteur et seule responsable, et il est temps de m’infliger une leçon et de ne plus m’aider à cacher mes vices.
Il est temps de m’accuser.
La punition qui n’est que justice consiste à m’abandonner définitivement, à me laisser dans mon inévitable désert et dans ma pauvreté due à ma paresse et à mon arrogance.
Que je m’arrange.
On est prévenu, et que prudemment les portes et les coeurs se ferment devant ma duplicité et mes demandes. Personne ne me doit rien, et en voilà assez.
J’ai 28 ans.»
Précisions
Édition établie par Pierre Plateau, préfacée par Laure Murat et annotée par Dominique Tiry, avec la collaboration de Roland Aeschimann, Claire Paulhan et Pierre Plateau. Hors-Texte n. & bl. (16 pages, env. 40 illustrations, photographies, fac-similés, cartes postales d’époque) + quelques illustrations in-texte.
Format : 21,5 x 13 cm. 448 pages
ISBN : 978-2-912222-28-2
Tirage : 2000 exemplaires
Prix de vente public : 36 €
C’était l’enfer et ses flammes et ses entailles.
Mireille Havet (1898-1932), la «petite poyétesse» d’Apollinaire, jusque-là sûre de l’originalité ravageuse de son talent littéraire, de sa personnalité et de ses amours, rencontre une femme qui ne lui ressemble vraiment pas, Reine Bénard : ce nouveau tome de son Journal des années 1924-1927 — qui prend la suite des tomes 1918-1919 et 1919-1924 (éd. Cl. Paulhan, 2003 et 2005) —, est entièrement dédié à la description de la courbe de cet amour qui fut tendre et libre, avant de devenir infernal et de précipiter Mireille Havet dans les affres de l’échec et les délires de la drogue.
[ Extrait ] 31 octobre 1925
«J’ai 27 ans. Je ne travaille pas. J’aime de toute mon âme un être qui ne songe qu’à faciliter mon bonheur, qui est admirable de patience et de réconfort. Je ne souffre d’aucun malheur récent. J’ai moins de soucis que je n’en ai jamais eus, et, vraiment indigne de tant de privilèges, je suis là, incapable de réagir contre la fatigue de mon corps et une dépression telle que je ne trouve d’apaisement que la nuit, réfugiée sur mon divan, comme une loque, un pantin vidé. La moindre invitation me devient une torture, chaque détail de la vie une catastrophe. Je suis agressive, exigeante, illogique, capricieuse, inintéressante au possible. J’ai honte de moi et je me plains, accusant ceux qui essaient de me raisonner de ne pas me comprendre. Je pleure, je me traîne, j’ai peur de mourir et ne fais rien pour changer mon état. Rien ne m’excuse. Je ne mérite rien. Je ne m’appartiens pas.»
[ Extrait ] 19 - 20 janvier 1927
«Mon vice n’est donc point tant l’amour, ni la recherche du plaisir le plus bas physiquement, puisqu’au fond, je fais surtout l’amour pour gagner ma vie et obtenir de mes maîtresses les rentes nécessaires à mes appétits et à mon égoïsme, mais en tout premier lieu et avant tout, les toxiques, et en particulier la morphine, dans l’ivresse supposée de laquelle je vautre mon âme calculatrice et mon corps amoureux de léthargies artificielles qui permettent d’oublier les déconvenues de ma carrière illicite mais très répandue à Paris.
[…] Mes livres et mes poèmes ? Constructions d’intoxiquée au cerveau surchauffé par les stupéfiants et l’idée fixe de camoufler ma véritable identité d’une livrée et d’une auréole de poète prodige et ignorant, par excès de pureté et d’insouciance intellectuelle, des réalités matérielles de la vie.
[…] Enfin, suis un agent de destruction, de scandale, de pourriture contagieuse, de désordre dans les couples et familles, et sournoise instigatrice de toutes les intoxications des femmes qui m’ont approchée et furent prises à mes pièges. Enfin, ayant sans doute dépassé les limites de la tolérance humaine et de la patience de mes amis par trop exploités, en prolongeant par trop la comédie du désespoir au sujet de Reine et de son abandon, bien légitime quand on me connaît, je mérite enfin, abondamment, le malheur qui paraît depuis trois mois m’accabler, et mes successifs échecs dont je suis l’unique auteur et seule responsable, et il est temps de m’infliger une leçon et de ne plus m’aider à cacher mes vices.
Il est temps de m’accuser.
La punition qui n’est que justice consiste à m’abandonner définitivement, à me laisser dans mon inévitable désert et dans ma pauvreté due à ma paresse et à mon arrogance.
Que je m’arrange.
On est prévenu, et que prudemment les portes et les coeurs se ferment devant ma duplicité et mes demandes. Personne ne me doit rien, et en voilà assez.
J’ai 28 ans.»
Précisions
Édition établie par Pierre Plateau, préfacée par Laure Murat et annotée par Dominique Tiry, avec la collaboration de Roland Aeschimann, Claire Paulhan et Pierre Plateau. Hors-Texte n. & bl. (16 pages, env. 40 illustrations, photographies, fac-similés, cartes postales d’époque) + quelques illustrations in-texte.
Format : 21,5 x 13 cm. 448 pages
ISBN : 978-2-912222-28-2
Tirage : 2000 exemplaires
Prix de vente public : 36 €