Jean Hélion | Pour qui travaille-t-on? / Une lettre à André du Bouchet / Été-Automne 1952
« Comment produire une oeuvre juste ? »
Lorsque Jean Hélion entame en juillet 1952 cette Lettre à André du Bouchet – qu’il n’achèvera et n’enverra pas –, il traverse une grave crise morale : « En partant pour l’Amérique, j’avais perdu ma place en France. En partant pour la guerre, j’avais perdu ma place en Amérique. En devenant figuratif, j’avais perdu contact avec ceux que j’avais convaincu de la vérité de l’Art Abstrait. En changeant de femme et de milieu, j’avais achevé de bousculer l’appareil de mon succès. »
En effet : malgré sa réussite sociale en tant que peintre abstrait, d’abord en France, puis aux USA, il se heurte, depuis qu’il est revenu à la figuration et à Paris en 1946, à un net désaveu de la part des critiques d’art et des galeristes. Cependant, le jeune poète André du Bouchet fait partie des rares visiteurs attentifs de son atelier, tout comme Francis Ponge, Alain Jouffroy, René Char, Pierre Mabille, qui cherchent le dialogue avec lui, alors si isolé.
« Pour qui travaille-t-on ? » Retraçant son évolution esthétique et politique, non sans la comparer à celle d’autres artistes contemporains, Jean Hélion prend conscience qu’il a, de son public, une notion fausse : « Ce n’était qu’une fiction, plus ou moins animée par mes amis et quelques acheteurs éventuels. / Mais alors, sans public, que deviendraient mes tableaux dans l’espace du monde ? »
En ce début des années 50, il aimerait toucher le peuple, dont les intellectuels communistes détiennent la clé… En vain. « Notre position n’est pas tenable. / Placés dans un canevas complexe de sollicitations et d’hostilités, de conseils et de provocations, entre marchands, critiques, amis trop enthousiastes, adversaires trop acharnés, et amenés, en dernier ressort, à tout décider par nous-mêmes, comment produire une œuvre juste ? »
Restent les poètes, les « passants », les amateurs sincères pour lesquels Hélion, artiste et écrivain, veut « tout risquer » au terme de cette impressionnante et combative réflexion sur la création et son public.
Jean Hélion (1904-1987)
Peintre autodidacte, il s’engage du côté de l’abstraction dans les années 30, prend une part active aux mouvements Art Concret (1930) et Abstraction-Création (1932-1934). Il s’installe aux USA (1936), où il amorce un retour vers le réalisme pictural (1939), interrompu par la Seconde Guerre mondiale.
Alors résident en Virginie, il est mobilisé à sa demande et rejoint son régiment à Dreux, en janvier 1940. Fait prisonnier en juin, il est envoyé en Poméranie d’où il réussit à s’évader en février 1942. De retour aux USA, il y publie They Shall not Have Me [Ils ne m’auront pas] (1943).
Il revient vivre à Paris après-guerre, mais sa peinture, désormais figurative, détourne de lui le public. Hélion connaît alors une période difficile dans les années 50 et 60. Soutenu par la galerie Karl Flinker, il travaille jusqu’en octobre 1983, date à laquelle il renonce, sa vue ayant beaucoup baissé.
Édition établie, préfacée et annotée par Yves Chevrefils Desbiolles, historien de l’art, qui a aussi préfacé et annoté le témoignage de Jean Hélion sur la Seconde Guerre mondiale, Ils ne m’auront pas, traduit par Jacqueline Ventadour pour les mêmes éditions en 2018.
« Visage altéré de la peinture de Hélion », texte d’André du Bouchet (1924-2001), répond à cette lettre qui n’a pas atteint son destinataire.
Précisions
Parution en mars 2024.
240 pp. 12 x 17 cm.
Coll. « Tiré-à-part ».
51 illustrations couleurs.
1er tirage : 500 exemplaires sur papier Olin Regular Bright White 100 gr (Antalis) et sous couverture Nettuno Oltramare 215 gr (Fedrigoni).
Isbn : 978-2-912222-79-4.
« Comment produire une oeuvre juste ? »
Lorsque Jean Hélion entame en juillet 1952 cette Lettre à André du Bouchet – qu’il n’achèvera et n’enverra pas –, il traverse une grave crise morale : « En partant pour l’Amérique, j’avais perdu ma place en France. En partant pour la guerre, j’avais perdu ma place en Amérique. En devenant figuratif, j’avais perdu contact avec ceux que j’avais convaincu de la vérité de l’Art Abstrait. En changeant de femme et de milieu, j’avais achevé de bousculer l’appareil de mon succès. »
En effet : malgré sa réussite sociale en tant que peintre abstrait, d’abord en France, puis aux USA, il se heurte, depuis qu’il est revenu à la figuration et à Paris en 1946, à un net désaveu de la part des critiques d’art et des galeristes. Cependant, le jeune poète André du Bouchet fait partie des rares visiteurs attentifs de son atelier, tout comme Francis Ponge, Alain Jouffroy, René Char, Pierre Mabille, qui cherchent le dialogue avec lui, alors si isolé.
« Pour qui travaille-t-on ? » Retraçant son évolution esthétique et politique, non sans la comparer à celle d’autres artistes contemporains, Jean Hélion prend conscience qu’il a, de son public, une notion fausse : « Ce n’était qu’une fiction, plus ou moins animée par mes amis et quelques acheteurs éventuels. / Mais alors, sans public, que deviendraient mes tableaux dans l’espace du monde ? »
En ce début des années 50, il aimerait toucher le peuple, dont les intellectuels communistes détiennent la clé… En vain. « Notre position n’est pas tenable. / Placés dans un canevas complexe de sollicitations et d’hostilités, de conseils et de provocations, entre marchands, critiques, amis trop enthousiastes, adversaires trop acharnés, et amenés, en dernier ressort, à tout décider par nous-mêmes, comment produire une œuvre juste ? »
Restent les poètes, les « passants », les amateurs sincères pour lesquels Hélion, artiste et écrivain, veut « tout risquer » au terme de cette impressionnante et combative réflexion sur la création et son public.
Jean Hélion (1904-1987)
Peintre autodidacte, il s’engage du côté de l’abstraction dans les années 30, prend une part active aux mouvements Art Concret (1930) et Abstraction-Création (1932-1934). Il s’installe aux USA (1936), où il amorce un retour vers le réalisme pictural (1939), interrompu par la Seconde Guerre mondiale.
Alors résident en Virginie, il est mobilisé à sa demande et rejoint son régiment à Dreux, en janvier 1940. Fait prisonnier en juin, il est envoyé en Poméranie d’où il réussit à s’évader en février 1942. De retour aux USA, il y publie They Shall not Have Me [Ils ne m’auront pas] (1943).
Il revient vivre à Paris après-guerre, mais sa peinture, désormais figurative, détourne de lui le public. Hélion connaît alors une période difficile dans les années 50 et 60. Soutenu par la galerie Karl Flinker, il travaille jusqu’en octobre 1983, date à laquelle il renonce, sa vue ayant beaucoup baissé.
Édition établie, préfacée et annotée par Yves Chevrefils Desbiolles, historien de l’art, qui a aussi préfacé et annoté le témoignage de Jean Hélion sur la Seconde Guerre mondiale, Ils ne m’auront pas, traduit par Jacqueline Ventadour pour les mêmes éditions en 2018.
« Visage altéré de la peinture de Hélion », texte d’André du Bouchet (1924-2001), répond à cette lettre qui n’a pas atteint son destinataire.
Précisions
Parution en mars 2024.
240 pp. 12 x 17 cm.
Coll. « Tiré-à-part ».
51 illustrations couleurs.
1er tirage : 500 exemplaires sur papier Olin Regular Bright White 100 gr (Antalis) et sous couverture Nettuno Oltramare 215 gr (Fedrigoni).
Isbn : 978-2-912222-79-4.
« Comment produire une oeuvre juste ? »
Lorsque Jean Hélion entame en juillet 1952 cette Lettre à André du Bouchet – qu’il n’achèvera et n’enverra pas –, il traverse une grave crise morale : « En partant pour l’Amérique, j’avais perdu ma place en France. En partant pour la guerre, j’avais perdu ma place en Amérique. En devenant figuratif, j’avais perdu contact avec ceux que j’avais convaincu de la vérité de l’Art Abstrait. En changeant de femme et de milieu, j’avais achevé de bousculer l’appareil de mon succès. »
En effet : malgré sa réussite sociale en tant que peintre abstrait, d’abord en France, puis aux USA, il se heurte, depuis qu’il est revenu à la figuration et à Paris en 1946, à un net désaveu de la part des critiques d’art et des galeristes. Cependant, le jeune poète André du Bouchet fait partie des rares visiteurs attentifs de son atelier, tout comme Francis Ponge, Alain Jouffroy, René Char, Pierre Mabille, qui cherchent le dialogue avec lui, alors si isolé.
« Pour qui travaille-t-on ? » Retraçant son évolution esthétique et politique, non sans la comparer à celle d’autres artistes contemporains, Jean Hélion prend conscience qu’il a, de son public, une notion fausse : « Ce n’était qu’une fiction, plus ou moins animée par mes amis et quelques acheteurs éventuels. / Mais alors, sans public, que deviendraient mes tableaux dans l’espace du monde ? »
En ce début des années 50, il aimerait toucher le peuple, dont les intellectuels communistes détiennent la clé… En vain. « Notre position n’est pas tenable. / Placés dans un canevas complexe de sollicitations et d’hostilités, de conseils et de provocations, entre marchands, critiques, amis trop enthousiastes, adversaires trop acharnés, et amenés, en dernier ressort, à tout décider par nous-mêmes, comment produire une œuvre juste ? »
Restent les poètes, les « passants », les amateurs sincères pour lesquels Hélion, artiste et écrivain, veut « tout risquer » au terme de cette impressionnante et combative réflexion sur la création et son public.
Jean Hélion (1904-1987)
Peintre autodidacte, il s’engage du côté de l’abstraction dans les années 30, prend une part active aux mouvements Art Concret (1930) et Abstraction-Création (1932-1934). Il s’installe aux USA (1936), où il amorce un retour vers le réalisme pictural (1939), interrompu par la Seconde Guerre mondiale.
Alors résident en Virginie, il est mobilisé à sa demande et rejoint son régiment à Dreux, en janvier 1940. Fait prisonnier en juin, il est envoyé en Poméranie d’où il réussit à s’évader en février 1942. De retour aux USA, il y publie They Shall not Have Me [Ils ne m’auront pas] (1943).
Il revient vivre à Paris après-guerre, mais sa peinture, désormais figurative, détourne de lui le public. Hélion connaît alors une période difficile dans les années 50 et 60. Soutenu par la galerie Karl Flinker, il travaille jusqu’en octobre 1983, date à laquelle il renonce, sa vue ayant beaucoup baissé.
Édition établie, préfacée et annotée par Yves Chevrefils Desbiolles, historien de l’art, qui a aussi préfacé et annoté le témoignage de Jean Hélion sur la Seconde Guerre mondiale, Ils ne m’auront pas, traduit par Jacqueline Ventadour pour les mêmes éditions en 2018.
« Visage altéré de la peinture de Hélion », texte d’André du Bouchet (1924-2001), répond à cette lettre qui n’a pas atteint son destinataire.
Précisions
Parution en mars 2024.
240 pp. 12 x 17 cm.
Coll. « Tiré-à-part ».
51 illustrations couleurs.
1er tirage : 500 exemplaires sur papier Olin Regular Bright White 100 gr (Antalis) et sous couverture Nettuno Oltramare 215 gr (Fedrigoni).
Isbn : 978-2-912222-79-4.